Lettre aux DJ's

Bernard CUTAYAR Par Le 06/11/2014 0

Merci Mesdames et Messieurs les DJ'S !

Merci d'animer les milongas dans lesquelles nous pouvons exercer notre passion. Merci de nous abreuver de la musique qui nous fait vibrer. Cependant je voudrais exprimer, en plus de mes remerciements, le point de vue d'un danseur sur la musicalisation des milongas.

Un ordinateur portable bourré de musique ne suffit pas à faire un DJ. Il faut également connaître et appliquer quelques règles pour réussir la musicalisation qui va donner du plaisir aux danseurs et aussi aux spectateurs.

J'ai observé, tout au long de l'été une baisse de la qualité des musicalisations des bals de notre region, avec pour conséquence, une dégradation de la qualité des bals. Ce n'est pas tant les performances des matériels de sonorisation utilisés, mais plutôt les programmations qui peuvent être améliorées. Je vais focaliser mon propos sur quatre recommandations précises qui n'engagent que moi mais qui, j'en suis persuadé, feront également l'adhésion de beaucoup d'autres danseurs et danseuses. 

  1. Programmer de la musique qui soit réellement du Tango
  2. Respect de la structure des Tandas
  3. Soigner les Cortinas
  4. Ne pas bâcler la fin du bal

Une prise de conscience de ces quatre points précis permettra de perfectionner vos programmations. Voici mon point de vue sur ces quatre points:

  1. Des Tangos qui soient réellement des Tangos

C'est une mode actuellement, de vouloir revisiter le Tango et de coller à toutes sortes de concepts, de musiques ou bien d'autres choses encore, le mot "Tango". Ainsi, des groupes, à l'instar de GOTAN Project s'y sont essayés avec plus ou moins de bonheur. Avec son premier album "La Revancha del Tango", GOTAN Project a obtenu un peu de succès, aidé il est vrai, par la publicité et le cinéma, mais depuis, les trois albums suivants se sont éloignés de la réussite. Les ULTRATANGOS, NARCOTANGO, TANGOTHIC, HYBRID TANGO, ALTER TANGO, les Tangos lounge, chill, etc..., substituant le synthétiseur et les percussions à la Tipica,  vont-ils laisser des oeuvres aussi durables que "El Choclo", "La Cumparsita", "La Yumba", "Oblivion", etc...?

Comme si cela ne suffisait pas, quelques DJ's se tournent maintenant vers des musiques étranges qu'ils  tentent d'habiller en tango en y associant le terme "ALTERNATIF" (un nouveau courant sans doute!) Des musiques plus adaptées au ballet contemporain et qui génèrent un ersazt de tango gesticulatoire. Sans pour autant rester prisonnier du "Dos por Quatro", prenons garde de ne pas nous aventurer trop loin dans des voies qui nous font perdre le Tango et réservons ces diverses variations expérimentales aux laboratoires de danses. Dans les bals de Tango, dans les Milongas, on danse le Tango. A fortiori quand on le danse dans la rue; nous sommes les ambassadeurs d'un art qui, rappelons-le, est inscrit au Patrimoine Immatériel Culturel de l'Humanité. Ne le trahissons pas !

Certaines de nos Milongas en Provence, n'ont pas acquis leur succès uniquement par les cadres enchanteurs qui les accueillent, ou leur facilité d'accès ou de stationnement, mais aussi et surtout par la qualité de leur programmation musicale, bien que restant toujours dans un répertoire ,classique, mais combien riche et varié.

2. La stucture des Tandas

Les Milongas sont divisées en Tandas séparées par des Cortinas, ça tout le monde le sait. Chaque Tanda doit être homogène et cohérente. A l'intérieur de la Tanda, les morceaux choisis doivent être de même style, de même orchestration, de même époque et ça, on l'oublie parfois.

Mais il y a plus grave ! Soit par manque de soin à la programmation, soit par défaut de maitrise de l'outil informatique, les Tangos d'une même Tanda se succèdent parfois de si près que l'on pourrait se croire en discothèque plutôt que dans une milonga.

Messieurs et mesdames les DJ's, qui êtes aussi des danseurs, n'appréciez-vous pas cet instant magique de la fin d'un Tango où l'on prolonge le voyage musical avant d'en commencer un autre ? Je pense que la réponse est "oui", alors faîtes un effort dans vos préparations, ne succombez pas à la précipitation et ménagez ces petits "blancs" entre les Tangos, qui font le charme des Tandas. Nous en avons besoin.

3. Soigner les Cortinas

Les Tandas sont séparées par des Cortinas (Rideau en Espagnol) Ah, les Cortinas ! Chaque DJ veut se distinguer par l'originalité de ses Cortinas; C'est légitime, mais cette recherche d'originalité ne doit pas sacrifier la fonction principale de ce "rideau musical".

La fonction de la Cortina est de mettre fin à la Tanda qui la précède comme le rideau met fin à l'acte, au théâtre. Cette coupure est nécessaire aux danseurs, elle permet de vider la piste, les hommes raccompagnent leur partenaire et se préparent à en inviter une autre pour la Tanda suivante. La Milonga étant un espace social d'échange et de partage, il est de bon ton de ne pas "s'approprier" volontairement ou non, un ou une même partenaire plusieurs Tandas d'affilées. Pour ces raisons, la Cortina doit répondre à 2 critères précis:

  • Elle doit être de courte durée. Une durée de 30 à 35 secondes semble être la bonne moyenne pour vider la piste. Plus longue, la Cortina peut risquer d'être ennuyeuse.
  • La musique, si c'est une musique qui est utilisée à cette fin, ne doit pas être dansante. Lorsque c'est le cas, on voit des couples commencer à danser et s'interrompre piteusement avec la fin de l'extrait de leur Rock ou de leur Salsa préférés.

Lorsque ces deux critères ne sont pas respectés, l'esprit de bal de Tango Argentin se perd. On peut, néanmoins, dans un bal de 3 ou 4 heures, ménager une coupure plus longue à mi-parcours, un peu comme l'entracte au théâtre, et passer alors des musiques dansantes différentes des Tangos.

4. Ne pas bâcler la fin du bal.

Enfin, la Milonga se termine par la diffusion de son air emblématique, l'Hymne du Tango Argentin : "La CUMPARSITA". C'est une tradition. En général elle est jouée deux fois. Là encore, il y a une raison précise à cela. La "CUMPARSITA" annonce la fin du bal et la tradition veut que l'on termine le bal avec son ou sa partenaire de la soirée (ou de toujours).

Cela évite aux DJ's de s'égosiller dans une annonce de foire, souvent inaudible, pour mettre maladroitement fin à la soirée, et aux danseurs, de se retrouver frustrés de leur dernière Tanda avec le ou la partenaire préféré(e).

Quelle maladresse aussi d'insérer les deux "CUMPARSITA" à la fin d'uneTanda contenant d'autres Tangos ! Combien de couples se sont ainsi trouvés mal à l'aise devant ce dilemme: Continuer à danser avec l'esprit contrarié ou "planter" là, son ou sa partenaire du moment pour retrouver son ou sa partenaire attitré(e) ?

Pour résumer, Messieurs et Mesdames les DJ's, que je respecte, c'est grâce à vous que l'on danse, ne nous frustrez pas! Faites nous danser sur du Tango Argentin,ne polluez pas les milongas par des Cortinas inappropriées et rendez-nous nos "CUMPARSITA" !

Par bonheur, il existe encore quelques Milongas de qualité où ces règles simples sont respectées et dans lesquelles il règne encore l'esprit du Tango Argentin.

Abrazo.

Bernard

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